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Fugue sans sujet

Joseph Schiano di Lombo, Fugue sans sujet
Grand projet, Image imprimée, 2017
« La fugue (de fuga, fuite) est une forme de composition musicale dont le thème, ou sujet, passant successivement dans toutes les voix, et dans diverses tonalités, semble sans cesse fuir. » Marcel Dupré
  • © EnsAD / Laure Ledoux
  • © EnsAD / Laure Ledoux
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Descriptif

Informations

De même que la fugue tisse les unes avec les autres dans le temps les voix indépendantes qui la composent, le travail que j’ai engagé lors de mes études aux Arts décoratifs s’inscrit toujours dans un rapport de voix, de voies distinctes et simultanément empruntées. Que mes images ou mes textes soient le fruit de l’effacement ou du recouvrement d’une œuvre littéraire déjà publiée (L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, L’or de Blaise Cendrars) ou de documents plus prosaïques (la notice d’un antibiotique en comprimés ou le ticket de caisse d’un pantalon Adidas), qu’il s’agisse d’un dessin composé de lignes empilées les unes au dessous des autres ou d’une improvisation au piano dont les notes sont choisies par le public, c’est toujours d’un tissage de voix, de strates, que se composent les pièces, entraînant dans le même temps, d'une façon souvent inattendue, des documents et des pratiques a priori figés dans leurs destins.
Textes et images gommés, aplats blancs, vêtement transparent, insecte écrasé entre deux pages, Marie-Louise livrée à elle-même, Photomatons fantomatiques, lignes d’écriture réduites à de simples lignes, héros grecs réifiés en fromages de chèvre : c’est toujours d’une absence dont les pièces, toutes à leur manière, font état. Fuguer, en effet, c'est aussi s'éclipser. Cette disparition participe d'une économie des formes et des mots qui, en réponse à un penchant proprement hygiéniste, réduit, allège, lessive les surfaces sans pour autant les épuiser. De fait, il n’est pas jusqu’au plus infime retranchement qui ne révèle, réveille, relève un élément neuf. Effacer, c’est faire face à autre chose, et le néant ne peut se subtiliser à l'essentielle — et tout compte fait rassurante — primauté de l'être. De là vient que cette fugue, dans un certain défi aux évidences musicologiques, n'a pas de sujet ; elle devient son propre sujet, invitant chacune de ses pièces à chanter sa partie, sotto voce, sans égard pour les possibles dissonances, dans une partition que je tenterai de rendre lisible.

La fugue, pour finir, que son acception soit musicale ou non, n’a rien d’une couarde dérobade ; elle est un mouvement, une transformation et un engagement. Qui fugue ne se dérobe pas à son destin ; au contraire, il s’y jette éperdument. Écriture, volumes, formes héritées du ready-made, bande dessinée alternative, improvisation musicale et dessins composent l’état des lieux d’une fugue en cours : celle qui m’a amené à fuir le conservatoire de musique, et qui me porte désormais à quitter l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. Y étudier, c’était conduire plusieurs voix à la fois durant cinq années : d’un enseignant à l’autre, d’une idée à l’autre, d’un médium à l’autre. C’était vouloir m’en échapper avant le terme, à plusieurs reprises, appelé par d’autres inclinations. C’est la quitter enfin, poursuivre la fugue vers les points encore invisibles qui, je l’espère, continueront de la nourrir.

Étudiant(s)
Joseph Schiano di Lombo
Titre
Fugue sans sujet
Type
Grand projet
Secteur
Image imprimée
Année
2017