Descriptif
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Goethe observait les phénomènes colorés en mouvement dans la nature. C’est à partir de son oeil qu’il pensa et non à partir de théories scientifiques. Il se laissa surprendre par l’apparente incohérence des évènements. Il écrivit son traité des couleurs pendant vingt ans. Sa réflexion sur la perception demeure profondément actuelle.
Chacun perçoit non seulement avec ses yeux, mais également avec son cerveau et tout ce qui fonde sa personnalité (sa culture, ses intérêts, ses désirs). La vue est le fruit
d’une construction subjective.
Lorsque le réel se dérobe, même très brièvement, à travers une flaque d'eau ou une vieille vitre ondulée ; lorsque le reflet du monde est modifié par une carrosserie, il se crée un interstice, s’ouvre une brèche où le regard fait l’expérience de lui-même. À la manière de ces miroirs déformants qui peuplent la ville, notre cerveau, lorsqu'il interprète mal ce que nos yeux lui livrent,
offre aussi une exploration de nos propres facultés. C'est dans ces images éphémères et mouvantes que j'aime me glisser.
Je me suis intéressée à ce qui est perçu en dehors d'une vérité palpable : les phénomènes optiques, les illusions, les hallucinations.
J'ai souhaité comprendre à quel endroit, entre l’oeil et le cerveau, ou en chemin, la vue était rejouée.
J'ai travaillé avec deux approches. Tout d’abord celle de traducteur ; comment rendre visible, retranscrire des sensations visuelles internes ?
J'ai collecté mes souvenirs d'auras migraineuses, lorsque la cohérence de l'environnement se trouble et se perd. Comment représenter par le dessin cette fugitive vibration ?
Dans un deuxième temps, comme un simple passeur d'expériences, j'ai cherché à donner une place à différents témoignages. Ce sont des textes que je collecte depuis plusieurs années, des récits d’expériences de visions perturbées.
Ce sont des mots qui méritent d'être entendus pour différencier la perte des certitudes visuelles de la folie à laquelle elles peuvent être associées.
Goethe appela « spectres marginaux » les deux terminaisons du spectre coloré.
Ces extrêmes — le rouge et le violet — côtoient les frontières de l’invisible et symbolisent le seuil au delà duquel les textes et les images que je présente ont pris corps.