Tout ce qu’on peut voir quand on ne regarde pas ses pieds
Phong Kieu Anh Nguyen
Tout ce qu’on peut voir quand on ne regarde pas ses pieds
La chaleur exerce une force horizontale : elle terrasse les corps laborieux, suspend leur activité malgré leur ténacité. Au 15e jour du septième mois lunaire 2020, la canicule encage des esprits orphelins et des fantômes sauvages. Depuis les années 1930, ils se sont abrités sous des souches de pancoviers au sein d’une résidence à l’angle de la rue Duvillier à Tonkin (Hanoï aujourd’hui).
Le projet
Si les arbres tremblent souvent devant les passants, la canicule cesse toute circulation pour l’occasion. Tout stagne. La lumière couvre la maison mais n’y pénètre pas ; les fenêtres sont scellées pour laisser place à des espaces de rangements. Dans la maison, un résident répète sa routine quotidienne : bien qu’il sache qu’il n’ira nulle part, celui-ci porte un costume, fait preuve d’autodiscipline. Il mime involontairement la voix qu’il entend – celle du chanteur russo-soviétique Boris Shtokolov qui interprète Я вас любил... (Ya vas lyubil...) ou (Je vous aimais…), une mise en musique du poème d’Alexandre Pouchkine.
En septembre 2020, la force horizontale faiblit inéluctablement par le passage des saisons. Elle cède sa place à une force verticale : un nouvel élan, une mobilisation qui précède un déplacement de fragments d’une maison coloniale à Paris.