Anouk Buron

Résumé

Croissant en ordre irrégulier, les buissons se disséminent comme un essaim. Dissémination malgré les symétries cachées, rien ne semble tant faire ponctuation que les buissons, couture dans un tissu passant tantôt sur l'endroit tantôt sur l'envers. Enracinés, ils ne peuvent pas se dissimuler mais ils sont presque sans cesse agités par le vent. Et c'est ce mouvement qui, en les secouant, les distribue, les déposant ça et là avec une précision indifférente. Entre le dense désordre de la forêt et le vide du désert, les buissons habitent la terre, un peu n'importe comment. Pourtant quand on contemple la garrigue, ce n'importe comment semble être régi par une loi qui n'est pas n'importe quoi. "Seigneur, je suis nu, et tu as jeté à pleines mains les toisons et les feuillages" crie le berger qui interprète l'Homme dans le Serpent d'Etoiles de Giono. Autour de cette nudité se sont créés par buissonnement les mots. Un vent a porté un mot vers une chose innommée, de cette chose innommée vers son nom. Ce doit être encore ce vent qui souffle quand on cherche un mot. En effet, peut-on compter les buissons ? Il y en a toujours un qui manque à l'appel. Le dictionnaire serait une façon de ranger les mots que nous contenons sous la forme d'un buissonnement sans contours. Lorsque l'on apprend à les relier entre eux, c'est l'école buissonnière.