Marcher la nuit
Éloïse Molinié
Marcher la nuit
Dans de nombreuses traditions religieuses ou spirituelles, on rencontre quelque part un veilleur : celui qui attend. Imperturbable dans la tempête et indifférent au temps qui passe, le veilleur se tourne vers autre chose que sa propre vie.
Le projet
Il incarne une idée de transcendance, il croit en quelque chose à désirer, à poursuivre au-delà du monde et de lui-même. De sa veille surgit alors la question du dépassement. Dans l'épopée de Gilgamesh par exemple, le héros en quête de l’immortalité doit rester éveillé six jours et sept nuits. Le bouddhiste cherche à élever sa conscience jusqu’au Nirvana par la méditation.
Dans l’extrait sur lequel s’appuie ce projet, Michel de Certeau décrit ces moines des IIIe et Ive siècles plongés dans ce qu’il nomme « le labeur du désir ». Toute la nuit ils se tiennent debout, les mains tendues, simplement pour attendre le lever du soleil. Leur immobilité apparente est en réalité un mouvement intérieur, un élan qui les anime. Cette image forte, inhabituelle, interroge la manière dont nous appréhendons le temps de notre vie. Ce n’est en effet pas un hasard si les mots « attente » et « attention » sont liés par leur étymologie. Dans une culture de la consommation et de l’immédiateté, peut-être avons-nous arrêté de prêter attention à l’autre en cessant de l’attendre. C’est une problématique que ce projet explore dans un espace immersif : inviter le spectateur à entrer dans un cheminement, concret ou intérieur, à fixer ce point à l’horizon, et à marcher dans la nuit.