Petits papiers
Martha Dro
Petits papiers
Petits papiers est un projet de recherche sur l’ennoblissement du papier. Il prend sa source dans les techniques anciennes, parfois ancestrales de la création du papier à travers les cultures et leur poésie, et les projette dans le futur.
Le projet
Aujourd’hui, les choses réalisée en papier sont souvent considérées comme des objets à usage unique, alors que, comme les livres, par exemple, elles peuvent durer, s’user et même se solidifier. Le papier est un matériau vivant, qui devient tantôt cuir, tantôt voile, se métamorphose en vêtement ou en récipient, tamise la lumière et raconte des histoires. À partir de recherches qui m’ont porté au travers des siècles en Égypte, en France et au Japon, il s'est agi d'ouvrir des imaginaires en papier, afin d'élaborer sur le sujet suivant : comment en tant que graphiste, pouvons-nous réinventer notre manière d'interagir avec le papier, d'aller au-delà de l'impression, du pli et de la reliure, de manière pertinente et radicale ? On s'est également demandé comment, dans notre société du tout jetable, nous pourrions apprendre des manières historiques de travailler le papier, et alors, quels rôles, innovant ou retrouvé, lui accorder.
Ce travail a débuté par une étude de procédés historiques qui m'a mené de culture en culture. De l’Égypte, j’ai appliqué la structure du papyrus aux chutes d’impression, ce qui donne une surface se travaillant tel un textile, tout comme le papier japonais, qui à son tour s’enduit, se froisse et s’imprime pour donner naissance à toutes sortes de matières et objets. À la lumière, le papyrus révèle sa structure, tandis que le papier japonais est l’acteur principal du théâtre d’ombres dans les rues. Cependant en occident, les dessin des filigranes, aussi utilitaires que délicats, assurent à la lumière l’authenticité des documents.
À cette recherche historique, succède une recherche de matières. Une matériauthèque, tel un registre d’expériences, se développe et me surprend. J'ai choisi dix sortes de papiers – industriels et artisanaux – que j'ai enduit selon des recettes anciennes pour les solidifier et les imperméabiliser afin de pouvoir les manipuler et en tester les limites. J’essaie de me contraindre à utiliser des matériaux de récupération, et quand cela n’est pas possible, d’utiliser des matériaux respectueux de l’environnement, qui pourraient être compostés ou même mangés. Des matériaux qui s’intègrent à un cycle, comme ceux décrits par Michael Braungart et William McDonough dans Cradle to Cradle. Tout est pensé dans une économie de moyens, avec aussi peu d’artifices que possible afin de laisser la parole aux matières.
Puis vient le temps de chercher des applications, trouver des usages et intégrer ces objets en papier dans nos vies. Parmi les objets élaborés, nous trouvons des chapeaux de pluie, des lanternes, et des coques de téléphone. À chaque objet correspond une affiche, tel un objet en kit : sa découpe permet d'assembler l'objet en papier.
Un site internet a été créé pour décrire et rendre compte de ces expériences. Celui-ci incite le partage de savoirs et d’expériences, qu'elles soient les miennes ou celles d'autres. Il rend compte à la fois des matières produites et des protocoles ayant permis d'aboutir à ces matières et objets.