Si Gaëtan Bas, diplômé 2022 en Scénographie, s’interroge avec son projet de master NAPHTA sur notre usage contemporain du pétrole : que dit de notre civilisation l’utilisation de ce jus de décomposition d’organismes marins ? Comment son utilisation à l’échelle mondiale sera interprétée par ceux qui nous succéderont ? Pour le troisième numéro de la revue Décor « TRANS », il livre aux lecteur.ices et générations futures la solution à l’inévitable épuisement de cette ressource : une véritable machine à fabriquer du pétrole.
TRANSMUTATION : Changement d’une substance en une autre
Le pétrole est partout, inévitable, universel, et il a, d’une certaine manière, toujours été là. Il a besoin de conditions très particulières pour apparaître. Celui que nous exploitons actuellement s’est formé sur terre il y a vingt à trois cent cinquante millions d’années. Son ingrédient principal se nomme le kérogène, qui est issu de la lente décomposition d’organismes marins préhistoriques (crustacés, mollusques, plancton et autres bactéries), dont les restes se sont accumulés au fond de la mer, ou de tout autre environnement liquide comme des lacs ou des deltas pendant des millénaires. Leurs dépouilles ont été petit à petit ensevelies sous la croûte terrestre par différentes couches sédimentaires jusqu’à être englouties dans une zone située entre deux et dix kilomètres sous nos pieds.
« L’écorce terrestre agit alors comme un four à mesure qu’il est enfoui et lentement comprimé, le kérogène cuit à des températures allant de 50 à 300 degrés Celsius, selon la profondeur. Le kérogène est progressivement « craqué » : les grosses molécules organiques qui le constituent sont réduites en molécules plus petites d’hydrocarbures – nommées ainsi parce qu’elles associent des atomes d’hydrogène et de carbone. Ce qu’on appelle pétrole brut est en fait le mélange de différents types de pétrole, c’est-à-dire de diverses molécules d’hydrocarbure 1. » 1 Matthieu Auzanneau, Or noir. La grande histoire du pétrole. Paris, La Découverte poche, 2015, p. 20.

Ce premier réservoir perméable se nomme la roche-mère, laquelle est poreuse et gorgée de kérogène, mais également d’eau et de gaz.
En se formant pendant des milliers d’années, le kérogène prend plus de volume et, sous l’effet de la pression, remonte avec le gaz et l’eau à travers cette roche poreuse dont il était prisonnier ; jusqu’à rencontrer éventuellement une autre roche, laquelle sera imperméable et constituera un deuxième réservoir capable de retenir les hydrocarbures sous un dôme souterrain dit « anticlinical ».
C’est cette roche qui est aujourd’hui percée par les forages que l’on retrouve sur notre planète et c’est à l’intérieur d’elle, grâce à l’effet du temps, que le kérogène passe de sa forme solide à son état liquide et ainsi se transforme en pétrole. Si le gaz, le kérogène et l’eau ne rencontrent pas de roche imperméable et de second réservoir, ils vont alors remonter lentement à la surface à travers des failles sous forme d’affleurement pour les hydrocarbures les plus liquides, gazeuse pour les plus légers ou bitumeuse pour les plus lourds.
Le pétrole n’est rien de plus qu’un jus de pourriture d’organismes marins préhistoriques ayant transmuté de leur forme animale à la forme liquide et visqueuse que nous connaissons tous aujourd’hui.
« Le pétrole n’est rien de plus qu’un jus de pourriture d’organismes marins préhistoriques ayant transmuté »

La toute première machine à fabriquer du pétrole domestique
Face à ce constat et à la suite des problèmes de ravitaillement en pétrole que nous subissons aujourd’hui en raison du siphonnage des dernières sources de pétrole sur terre, NAPHTA a trouvé LA solution à l’assèchement de cette ressource essentielle. Nous vous présentons la toute première machine à fabriquer du pétrole domestique ! Non, vous ne rêvez pas ! Comme nous venons de l’expliquer, nous avons principalement besoin de trois éléments pour produire du pétrole : de la matière organique marine : 300° celsius et 25 millions d’années de cuisson minimum. Après des années de développement, nous vous proposons cet appareil reproduisant artificiellement les conditions nécessaires à la transmutation d’organismes marins en un pétrole 100 % brut convenant à toutes les utilisations quotidiennes transport, chauffage, etc.

Mode d’emploi
1. Branchez l’appareil sur une prise électrique murale reliée à la terre
2. Placé dans un récipient adapté * vos restes de crustacés, poissons ou fruits de mer. Déposez-le délicatement sur le plateau tournant et fermez la porte.
3. Sélectionnez à l’aide de la molette supérieure la température désirée (nous recommandons 300° celsius pour une première utilisation)**
4. Sélectionnez le temps de cuisson, exprimé en millions d’années, grâce à la molette inférieure.
5. Le four se met en route. Il est possible de suspendre la cuisson à tout moment en ouvrant la porte. La cuisson reprendra dès que vous la refermerez. Vous pouvez contrôler le temps de cuisson restant sur l’écran LCD placé dans le coin supérieur gauche de la porte.
6. Une sonnerie indique la fin de la cuisson de votre pétrole. La lumière s’éteint.
7. Profitez de votre pétrole 100% brut à votre convenance et selon vos besoins.
*Non fourni avec la machine
** pour 500 grammes maximum de matière organique marine
Décor « TRANS »
Cet article est extrait de la revue Décor « TRANS »
Produite par l’École des Arts Décoratifs, Décor est une revue annuelle dédiée aux grands questionnements et bouleversements qui appellent à une reconfiguration de notre environnement contemporain. La pluralité des approches est au principe même de sa conception et de sa direction éditoriale dont la couverture plante le décor avec un mot représentant un enjeu pour notre temps, à partir duquel un univers se déploie. Création émergente et artistes confirmé·es s’entrecroisent en adoptant alors des points de vue complémentaires.
C’est sous le préfixe TRANS, dans tous ses états, que se place sa troisième édition. Signifiant originairement, dans ses emplois latins, « par-delà » ou « au-delà » TRANS touche à la fois aux notions fondamentales d’identité, de limite et de mouvement et convoque le processus inhérent en chaque chose. De transcodage à transtextualité, en passant par transformation, transidentité, transmission, transport, transversalité, TRANS se joue des formes, des définitions et des tentatives de stabilisation, en autant d’entrées.